Cela tangue toujours au sein de la rédaction des sports de Canal+. Et il pourrait y avoir du changement pendant l'été, une conséquence de l'affaire Sébastien Thoen.
Longtemps épargné, le service des sports de Canal+ vit sous le « règne de la terreur » depuis le renvoi de cinq personnes et craint une « mise au pas » sous l'influence de Vincent Bolloré, à la barre de la maison-mère Vivendi. « Le climat est compliqué humainement », affirme un journaliste des sports, répartis entre Canal+ et Infosport+. Pourtant, le groupe vient de récupérer les droits de diffusion de la Ligue 1 après l'échec de Téléfoot, la chaîne de Mediapro. Cela « devrait nous rendre tous heureux, dans une rédac' soudée », ajoute le reporter qui comme, l'ensemble des personnes jointes par l'AFP, a souhaité rester anonyme. Mais « on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête où chaque jour on peut apprendre dans le journal qu'untel s'est fait virer parce qu'il n'a pas dit pardon à Bolloré », résume-t-il.
Esprit de Canal+ où es-tu ?
Censures, « atteintes à la liberté d’expression ».. Critiqué pour la « brutalité » de ses méthodes, le milliardaire est régulièrement accusé d'avoir torpillé « l'esprit Canal » depuis qu'il a pris en 2015 la présidence du conseil de surveillance du groupe, confiée en 2018 à un proche, Jean-Christophe Thiery. « Il a dégagé les Guignols, l’investigation », mis au pas la rédaction d'iTELE, devenue CNews, souligne une source syndicale. « C'est en train de rattraper les sports, village gaulois un peu détaché des problèmes du reste de l’entreprise », estime-t-elle. « C'est le règne de la terreur », confirme un autre journaliste des sports. A l'origine de cette « ambiance délétère », une pétition rendue publique en décembre et signée par quelque 150 salariés, dont 48 anonymement, en soutien à l'humoriste Sébastien Thoen, renvoyé fin novembre après un sketch parodiant L'heure des pros, l'émission de Pascal Praud sur CNews. Dans le sillage de l'humoriste, chroniqueur du Canal Sports Club et présentateur du Journal du Hard, le commentateur Stéphane Guy a été renvoyé le 24 décembre, après 23 ans de maison pour lui avoir rendu hommage à l’antenne pendant le match Montpellier-PSG.
Signe du malaise: plusieurs dizaines de salariés, le visage recouvert d'un masque à son effigie, s'étaient ensuite rassemblés en silence devant le siège de la chaîne pour dénoncer cette sanction. Et mi-février, trois pigistes de longue date ont eux aussi été remerciés pour avoir signé la pétition. Depuis, la presse a rapporté des « pressions » exercées sur d'autres signataires pour qu'ils se dédisent par mail ou oralement, sous peine de perdre leur emploi. Des pressions confirmées à l'AFP par un élu syndical mais qui restent « floues », selon les journalistes interrogés. Il y a peut-être eu un « excès de zèle » d'une hiérarchie ayant « pris le pli » des « façons un peu tyranniques » de Bolloré, estime un autre élu.
Un mercato violent sur Canal+ ?
Plaidant une « incompréhension totale », la chaîne, contactée par l'AFP, réfute toute pression pour obtenir des excuses. « Il a été remonté par la direction de la rédaction des sports que certains collaborateurs regrettaient leur signature » en « raison de leur mauvaise compréhension de la situation lorsqu'ils ont été sollicités », a-t-elle expliqué au Monde. Interrogé par l'AFP lors de la présentation des résultats financiers annuels, le président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine, s'est dit « tout à fait serein pour les journalistes (...) qui placent leur confiance dans le groupe ». Les représentants du personnel ont réclamé un CSE extraordinaire qui se tiendra ce mercredi. Mais un élu syndical ne se fait pas « beaucoup d’illusions »: « les CDD et pigistes » ayant paraphé le texte incriminé ne seront plus rappelés à la fin de la saison », prédit-il. Signataire, la présentatrice du Canal Sports Club, Marie Portolano, qui va rejoindre M6, « a réussi à s’échapper », mais tous les autres « dégageront », renchérit une autre source syndicale, soulignant que le « groupe a les moyens d'aligner les chèques pour que les gens partent ». D'autant plus qu'avec la fin de Téléfoot, « il y a beaucoup de journalistes sur le carreau », insiste l'un des deux reporters interrogés.
Rédaction avec AFP