Plutôt que répondre au Président de la République via un communiqué officiel, l'Union national des footballeurs professionnels a préféré faire dans le symbolique, en mettant en ligne une lettre ouverte rédigée par un ballon de football à destination de François Hollande. L'occasion pour le syndicat des joueurs de foot de régler quelques comptes et de dire son écoeurement après avoir pris des propos de l'élu concernant les jeunes footballeurs français. Un courrier très musclé !
« Très cher François Hollande, J’ai d’abord cru à une bonne blague, comme il m’arrive parfois d’en entendre quand je m’égare dans le vestiaire, l’hiver surtout, pour me mettre au chaud, près des miens (…) Je n’aimerai pas être à votre place – je ne parle pas de la tribune présidentielle du stade de France ou de celle du Parc des Princes, où je vous vois régulièrement, écharpe et sourires complaisants de rigueur -, à gouverner un peuple de sans-dents et à aimer – oui, aimer, et pas seulement à des fins électoralistes, rassurez-moi – un sport pratiqué par des êtres mous du cerveau, si tant est qu’il en ait un, si j’ai bien compris le fond de votre pensée. Mais j’ai appris à me méfier des politiques, qui viennent sur la pelouse, certains soirs, serrent des mains, saluent la foule, et n’ont même pas un regard pour moi, voire une petite tape amicale du bout de leurs chaussures cirées, elles aussi, mais sans crampon. Je n’ai pas dit sans attache. Vous faites, m’a-t-on dit, partie d’une élite intellectuelle, réunie plus jeune au sein d’un club, l’ENA, où vous apprenez tous les mêmes choses, mais que vous ne comprenez visiblement pas de la même façon, puisque vous êtes recrutés, à votre sortie, par des équipes différentes et pour des championnats qui durent parfois toute une vie, quand la carrière d’un footballeur, en France, ne dépasse pas sept ans en moyenne. Il m’étonne alors que vous ne compreniez pas, toutes proportions gardées évidemment, que mes amis footballeurs professionnels font, eux-aussi, partie d’une élite. Le rêve de l’enfant, ce rêve que vous avez partagé m’a-t-on dit, est le plus souvent inaccessible.
S’il était si simple de pratiquer ce métier, et compte tenu du nombre toujours croissant de ceux qui y aspirent – notamment, à ce que j’entends ici ou là, grâce à votre travail depuis bientôt cinq ans, puisqu’il faut être « mal éduqués, n’avoir ni référence ni valeur » et, bien sûr, « venir des cités » -, il y aurait donc aujourd’hui beaucoup plus de footballeurs professionnels dans notre pays que de Français qui soutiennent votre action, si j’en crois les derniers sondages. Ballon, certes, mais pas si… Enfin, je me comprends !
Qu’ont donc bien pu vous faire mes amis footballeurs pour que vous soyez ainsi, tout marri ? Trompé. Est-ce les 94% du taux d’adhésion à leur syndicat, l’UNFP, leur solidarité, que vous avez du mal à avaler ? Ils vous ont aidé, pourtant, à remonter la pente l’été dernier, mais il ne faut pas croire qu’un succès à l’Euro de la bande à Deschamps vous aurait, forcément, ouvert toutes grandes les portes d’un second mandat. Vous ne leur en voulez pas pour cela, j’espère, puisque vous les avez remerciés pour ce moment en les invitant à l’Elysée ?
Les Français ne sont plus des veaux, et les footballeurs, avec lesquels vous aimez poser pour la postérité sur le perron de Clairefontaine ou sur celui de votre Palais, des imbéciles, ne vous en déplaise. Leurs ballons ne sont pas comme autant de baudruches, qui ornent les salles de vos meetings et qui, comme vos promesses, s’envolent au premier vent.
Mes amis footballeurs ne sont certes pas les seuls que vous aimez à stigmatiser ainsi, que vous offrez, sans raison aucune, à la vindicte populaire, puisque certains d’entre eux – une minorité, une toute petite minorité, si vous voyez ce que je veux dire… -, seraient richissimes, selon vos dires, et si célèbres qu’ils ne peuvent même plus prendre le métro ou le bus, comme le commun des mortels, à moins de porter un casque comme… les Daft Punk.
S’il m’était et met toujours difficile, parfois, de savoir où Pelé, Maradona, Platini, Ronaldo, Zidane, Messi ou d’autres voulaient ou veulent encore me conduire, avec vous, cher François Hollande, les choses sont simples, claires, faciles à comprendre. Avec l’art et la manière d’un Pierre Poujade, que je ne me rappelle pourtant pas d’avoir connu, vous sprintez jusqu’à l’aile gauche du terrain que vous fouliez autrefois et, dans le plus bel élan populiste que vous dénoncez pourtant chez vos adversaires, vous voilà débordant, mais lentement, de critiques contre les nantis, les privilégiés, rejoignant ainsi ceux qui pensent que les footballeurs, qui n’ont pas fait d’études, gagnent trop d’argent. Et de l’argent facile puisqu’il suffit de taper dans un ballon… », écrit donc l’UNFP, dans un texte musclé comme jamais.