Ancienne opératrice de GoalControl, société qui dispose d'un contrat avec la LFP pour la mise en place et l'utilisation de la goal-line technology, Suzana Castaignede a été limogée lorsque ses employeurs ont appris qu'elle allait dévoiler les coulisses étonnantes de ce que l'on a toujours présenté comme une révolution pour l'arbitrage. Répondant sans langue de bois à Foot01.com, elle a accepté d'évoquer ce système assez incroyable qui a multiplié les bugs sans que finalement les instances dirigeantes du football français bougent. Derniers cas en date, deux faux buts validés le week-end dernier lors de Rennes-Caen et Troyes-ASSE, lesquels n'ont donné lieu à aucune réaction officielle de la Ligue. Entretien.
Foot01 : Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions vous avez été limogée par GoalControl ?
Ils m’ont licenciée début août car ils savaient que j’allais les dénoncer, donc ça s’est mal passé (...) C’est dommage car j’étais passionnée, j’adorais mon travail, sauf le côté triche, c’était un super boulot dans un super environnement. Malheureusement, je ne pouvais pas garder plus longtemps le secret.
Comment expliquez-vous que l’on puisse en arriver à cette situation hallucinante ?
C’est vrai que l’on ne peut pas croire que ce soit possible. Mais on jouait tellement bien le jeu par rapport aux arbitres, aux délégués, et même aux techniciens. Personne n’était au courant, on était seulement une petite dizaine à le savoir (...) On était comme une petite secte avec un gourou, notre patron, qui depuis a été viré. Je crois savoir qu’il pourrait bientôt parler lui aussi. Mais seuls les opérateurs étaient au courant de la fraude, pas les assistants par exemple.
Pourquoi, selon vous, la Ligue de Football Professionnel peut accepter ce qu’il s’est passé encore ce week-end en Ligue 1 ?
C’est ce que je me demande, comment peuvent-ils continuer avec GoalControl ? Je n’ai pas envie de dire des choses qui peuvent me porter préjudice, mais honnêtement la direction de l’époque s’est très souvent vantée de connaître les bonnes personnes dans les instances du foot.
Les événements lors de Rennes-Caen et Troyes-St-Etienne ne vous ont donc pas surprise ?
Non ! Avant on réussissait à faire des pieds et de mains pour que cela passe inaperçu. Il y a des bugs et des couacs qui sont passés à la trappe, car ça va très vite. Moi j’ai eu un problème où j’ai dû trigger (Ndlr : déclencher manuellement la vibration sur la montre des arbitres) car j’avais un très mauvais angle de vision, j’ai eu honte, c’était sur le Bordeaux-Bastia de mars 2016 avec Tony Chapron comme arbitre. Les montres ont vibré, alors que le ballon était passé comme à Troyes, bien sur le côté. Mon patron de l’époque avait réussi à étouffer l’affaire en disant qu’il y avait un problème de chauffage et de surchauffe dans le van où nous étions installés.
Mais c’est de l’amateurisme...
Quand j’ai été embauchée, en gros la première chose qu’on m’a demandée c'est si je savais jouer à FIFA. J’ai répondu que non, mais que j’avais des bons réflexes. Et voilà...
Avez-vous eu des menaces suite à vos révélations ?
Il y a eu des menaces légales via des avocats, mais je leur ai toujours dit que j’irai jusqu’au bout ! J’ai témoigné à visage découvert et j’ai dénoncé des choses, mais derrière rien ne bouge.
Aucun président de club ne vous a appelé pour avoir des explications ?
Non, j’ai juste eu des journalistes. Après c’est vraiment bizarre, comme si tout le monde avait pour ordre de ne rien faire et de ne pas réagir.
Pour en revenir aux erreurs du week-end, comment par exemple sur le faux but encaissé par Vercoutre lors de Rennes-Caen la montre de l’arbitre a pu vibrer ?
Ce que je pense, même si je n’étais pas sur place, c’est que l’opérateur a dû croire qu’il y avait but et il a aussitôt fait vibrer les montres des arbitres (...) La couleur du maillot de Vercoutre c’est vrai et faux. Comme j’habite dans le Sud-Ouest, j’avais souvent des matches de Bordeaux au programme, et Carrasso me faisait buguer le système avec son maillot jaune, mais j’arrivais à régler le problème en réglant les paramètres. Plusieurs fois j’ai eu des ballons virtuels qui se créaient parce que quand il prend le ballon dans les mains ou près du corps, ce ballon virtuel vient se mettre sur lui, pensant que c’est la même couleur. Mais il n’y pas que la couleur du maillot il y a aussi les crânes chauves (sourire). Quand on fait les tests 90 minutes avant le match et que c'est un match en journée, avec le soleil, les nuages, ça fonctionnait mal. Les tests étaient faits à la main, car on connaissait les phases, parfois on mettait le système en off et on faisait tout à la main, car c’était toujours la même procédure.
On a appris que même les images fournies aux télévisions pouvaient être changées manuellement, l’avez vous fait ?
Pour ma part je ne l’ai pas fait. Mais parfois on devait modifier la position du ballon car quand le replay se fait automatiquement, il envoie une image 3D dans un logiciel et le ballon n’est jamais bien superposé. Donc, on devait le remettre bien à quelques millimètres. Cela on le faisait régulièrement. Maintenant, est-ce que quelqu’un a volontairement fait passer un but pour un non but ou l’inverse, je ne le sais pas. Techniquement c’est possible, mais je ne peux pas l’affirmer.