Il faudra attendre le 19 avril pour savoir les détails de la future Ligue des champions, mais l'UEFA a déjà fait des choix forts pour l'avenir de la C1. Du côté français, on se réjouit surtout du ticket supplémentaire accordé à la Ligue 1.
Discutée mercredi par l'UEFA avant d'être formellement approuvée le 19 avril, la réforme de la Ligue des champions à partir de 2024 s'inspire des tournois d'échecs et suscite déjà espoirs de recettes accrues et critiques.
- A quoi ressemblera la nouvelle formule ?
Le tournoi va passer de 32 à 36 équipes, ce qui doit permettre d'attribuer un ticket supplémentaire à la France et de qualifier pour la première fois des clubs au bénéfice de leur historique européen, via leur coefficient UEFA, même après une saison ratée, à l'image de ce qui arrive à Liverpool, vainqueur de la C1 2019 et seulement 7e actuellement en Premier League anglaise. Intangible depuis la saison 2003-2004, la phase de poules doit être radicalement remaniée, avec la disparition des huit groupes de quatre équipes qui s'affrontaient en match aller-retour.
A la place, les 36 équipes se disputeront un mini-championnat dans un même tableau, selon le « système suisse », à savoir que chacune affrontera 10 adversaires différents dans une confrontation unique, avec cinq matches à domicile et cinq à l'extérieur. Les huit premiers au classement final seront qualifiés en huitièmes de finale, et les clubs classés de la 9e à la 24e place se disputeront les huit autres places, via des rencontres aller-retour. La phase à élimination directe demeurera inchangée: les clubs s'affrontent en rencontres aller-retour à partir des huitièmes de finale, jusqu'à la finale disputée sur un seul match.
- D’où vient le système suisse ?
Inédite dans le football, cette formule conçue par un instituteur suisse, Julius Müller, a été utilisée pour la première fois lors du Championnat de Suisse d'échecs à Zurich, en 1889. L'idée était d'organiser un tournoi regroupant un nombre élevé d'adversaires - il y avait 74 joueurs à Zurich - mais en limitant le nombre de confrontations. Il s'agit donc d'un compromis entre la formule « chacun rencontre tout le monde », garante du résultat le plus juste, et un tableau à élimination directe, rapide mais jugé trop aléatoire. Ce système, décliné depuis en une multitude de variantes, est aussi utilisé dans les compétitions de go, de scrabble, du jeu de tir en ligne Counter Strike, et lors des Championnats d'Europe de pétanque.
- Quels sont ses avantages ?
La phase de poules devrait comporter cent rencontres de plus par rapport à aujourd'hui, ce qui ferait passer l'ensemble de la compétition à 225 matches au lieu de 125. Sur le papier, l'UEFA peut donc espérer nettement gonfler le gâteau des droits TV, alors que l'instance redistribuait déjà quelque 2 milliards d'euros l'an dernier aux participants de la C1. Les qualifiés, qui bénéficieront chacun de dix rencontres garanties au lieu de six aujourd'hui, pourront de surcroît tabler sur des revenus de billetterie plus élevés, même s'ils ne gagnent pas un seul match. En matière d'intérêt sportif, la multiplication des confrontations lors de la première phase permet plus d'affiches entre grands clubs avant les huitièmes de finale. Enfin, le système suisse offre de la souplesse: le nombre de participants comme le nombre de confrontations peuvent être ajustés à l'avenir, sans changer la formule globale.
- Fait-il l'unanimité ?
L'association European Leagues, qui représente une trentaine de ligues professionnelles en Europe, estimait vendredi dernier que multiplier les matches « n'augmente pas nécessairement la valeur de la compétition, y compris financièrement ». Entre les saisons 1999-2000 et 2002-2003, l'UEFA avait ainsi expérimenté deux phases de poule successives en C1, une formule théoriquement lucrative mais qui n'avait guère séduit le public. « Il y a un danger à dynamiter les compétitions existantes », renchérit auprès de l'AFP Ronan Evain, coordinateur de Foot Supporters Europe (FSE), pour qui « le risque de fatigue est réel » si le tournoi s'avère interminable et « difficile à comprendre ».
Certains détracteurs redoutent aussi que les dix matches de poule ne favorisent un peu plus les grands clubs, en réduisant l'aléa sportif, alors qu'ils concentrent déjà recettes et trophées. « On nous dit que ça fonctionne bien aux échecs. C'est sans doute vrai, sauf que les joueurs d'échecs fortunés ne peuvent acheter un paquet de reines supplémentaires auprès des joueurs plus pauvres, et structurellement pénalisés par le système », déplorait récemment le Guardian.
Foot01 avec AFP